La tawba (توبة) : 
Quand le retour à Dieu et à soi devient guérison

La tawba (توبة) est un mot arabe qui vient de la racine tāba (تاب). On le traduit généralement par « repentir », mais sa racine signifie avant tout « revenir ». Et quand on y pense, revenir, c’est emprunter un chemin, c’est un mouvement, un choix, une décision. Revenir à quoi ? À qui ? Dans la vision spirituelle, c’est bien sûr revenir à Dieu, Celui qui nous a créés et qui connaît chaque recoin de nos cœurs ainsi que toutes nos failles cachées.

Mais ce retour n’est pas uniquement vertical, vers le Créateur. C’est aussi un retour vers soi, vers cette partie pure, intacte, ce noyau de lumière que la vie, les épreuves et nos erreurs recouvrent parfois de poussière. C’est revenir à notre nature profonde, à cet état de paix où l’on se sent aligné avec nos valeurs, avec ce que l’on croit juste, et surtout avec notre foi.

La tawba dans le Coran : un acte de miséricorde

Dans le Coran, Allah parle souvent de la tawba comme d’un acte de Sa miséricorde. Il n’attend pas de nous la perfection, car Il sait mieux que quiconque que nous sommes faits de faiblesses, de contradictions et d’ego. Mais Il aime ceux qui, après être tombés, se relèvent pour revenir vers Lui. Comme un enfant qui revient vers ses parents après une faute, non pas dans un sens littéral, mais pour illustrer la tendresse et la patience de l’accueil. Il appelle Ses serviteurs, encore et encore, même s’ils se sont égarés mille fois, et Il promet d’accueillir ce retour avec une miséricorde inégalée.

« Et repentez-vous tous devant Allah, ô croyants, afin que vous récoltiez le succès. »
(Sourate An-Nour, 24:31)

Ce verset nous rappelle que la tawba n’est pas une option réservée aux « grands pécheurs ». C’est un chemin pour tous, un outil de purification, une porte vers la sérénité. Car en réalité, chacun d’entre nous a besoin, à un moment ou un autre, de revenir, même si ce n’est que d’un simple égarement de pensée ou d’un mot prononcé avec dureté.

La dimension collective de la tawba

Parfois, le Coran évoque aussi la tawba collective, lorsque toute une communauté décide de revenir à Dieu. Cela montre que le repentir n’est pas seulement individuel, mais peut aussi concerner un groupe, une société, qui choisit de corriger ses erreurs et de s’améliorer ensemble.

Par exemple, l’histoire du peuple de Yunus (Jonas) est un exemple rare et lumineux de tawba collective. Quand Yunus quitta son peuple, pensant qu’ils ne croiraient jamais en l’existence d’un Dieu unique, ils se repentirent tous ensemble en son absence. Ils reconnurent leurs fautes, implorèrent la miséricorde divine et changèrent réellement de comportement. Contrairement à d’autres peuples qui furent détruits pour leur obstination, eux furent épargnés. Cet épisode nous montre que le repentir n’est pas seulement individuel. Il peut devenir un élan collectif, un mouvement commun qui sauve une société entière, la purifie de ses injustices et la reconnecte à la miséricorde de Dieu.

À l’opposé, l’histoire du peuple de Nouh (Noé) illustre ce qui arrive quand une communauté refuse la tawba. Nouh les a appelés pendant 950 ans, sans relâche, à revenir vers Dieu, à abandonner leurs idolâtries, leurs abus et leur orgueil. Mais ils persistèrent dans leur refus, se moquèrent de lui, l’accusèrent de folie et fermèrent leurs cœurs à toute transformation. Leur entêtement collectif finit par les mener à leur perte. Le déluge les emporta tous, sauf la poignée de croyants qui embarqua avec Nouh. Leur histoire rappelle que lorsque l’on refuse de reconnaître ses erreurs et de revenir à la droiture, on se ferme soi-même à toute possibilité de salut.

Ces récits spirituels trouvent d’ailleurs un écho dans l’Histoire des sociétés humaines. Combien de civilisations ont décliné non pas uniquement à cause d’ennemis extérieurs, mais parce qu’elles ont perdu leur sens moral, sombré dans la corruption, l’injustice et l’orgueil sans jamais chercher à se réformer ? Par exemple, on dit souvent que l’Empire romain est tombé à cause des invasions barbares, mais en réalité, il s’est affaibli bien avant, rongé de l’intérieur par sa propre décadence. La corruption généralisée, l’orgueil, la perte de ses valeurs fondatrices comme la discipline et la rigueur, ainsi que l’écart grandissant entre riches et pauvres, ont fragilisé sa cohésion. Ses élites vivaient dans l’excès et le luxe, tandis que le peuple sombrait dans la misère et la faim. Au lieu de se réformer, Rome a préféré détourner son peuple par des jeux et des spectacles. Comme l’a écrit l’historien Edward Gibbon dans The History of the Decline and Fall of the Roman Empire, la chute de Rome fut « le résultat inévitable d’une grandeur excessive »,  preuve que la véritable destruction vient parfois moins de l’extérieur que de la perte de son âme.  À l’inverse, l’Histoire montre aussi que la reconnaissance collective des fautes peut ouvrir la voie à la renaissance. Après la Seconde Guerre mondiale, l’Allemagne a entamé un processus profond de Vergangenheitsbewältigung (littéralement « surmonter le passé ») pour reconnaître ses fautes, demander pardon, réparer et rebâtir sur des bases plus humaines. Ce processus, bien qu’il ne soit pas nommé tawba, a suivi la même logique : prise de conscience, regret, rupture avec l’ancien système et décision de changer. C’est la même dynamique que celle enseignée par le Coran : une véritable transformation passe toujours par l’humilité d’admettre ses erreurs et la force de changer.

Que ce soit dans un récit spirituel ou dans l’Histoire des hommes, la tawba reste un principe universel. C’est ce choix ou ce refus qui forge non seulement le destin d’un individu, mais aussi celui d’une communauté tout entière.

Le processus du repentir : un cheminement intérieur

La tawba n’est donc pas qu’un simple regret qui traverse l’esprit avant de disparaître. C’est un processus profond qui nous transforme. D’abord, il y a cette prise de conscience : réaliser que l’on a fait quelque chose qui nous éloigne de Dieu, de soi ou des autres. Puis vient le regret sincère, pas celui qui s’accompagne d’une honte destructrice, mais celui qui allume la volonté de réparer.

Ensuite, il y a l’arrêt immédiat de l’acte. Sans cela, le regret n’est qu’un mot vide (comme ceux qui parlent mais qui n’agissent jamais… je suis sûre que tu en connais au moins un ou une). Et enfin, la ferme intention de ne plus y revenir, cette décision intérieure qui nous redresse et nous guide.

Les savants ajoutent que si notre faute concerne autrui, si elle a causé un tort, il ne suffit pas de regretter et de demander pardon à Dieu. Imagine : quelqu’un te vole, te fait du mal, te tue, ou te viole, puis va simplement demander pardon à Dieu. Tu crois vraiment que ça marche comme ça ? Pas du tout. Sinon, ce serait trop facile… et ce serait la porte ouverte à toutes les fenêtres (réf. à Gad Elmaleh). Il faut réparer ce tort, rendre ce qui a été pris, demander pardon à la personne blessée (et parfois, même cela ne suffit pas), car la tawba implique justice et responsabilité.

Le Prophète Muhammad (paix sur lui) a dit :

« Dieu se réjouit plus du repentir de Son serviteur que ne le ferait l’un de vousretrouvant sa monture perdue dans le désert. »
(Bukhari, Muslim)

Un acte spirituel, humain et psychologique

Ce processus fait de la tawba un acte spirituel, mais aussi profondément humain et psychologique. Elle est un retour à Dieu, mais elle est aussi un retour à soi. Elle purifie le cœur, chasse la culpabilité qui paralyse, redonne confiance, comme si l’on enlevait des couches de saleté accumulées pour retrouver la clarté de l’âme.

Elle transforme la faute en force, mais seulement si l’on accepte d’en tirer une leçon et de changer. Sans cette transformation, le repentir reste un simple mot. Avec elle, il devient un tremplin.

La tawba, moteur de guérison et de résilience

D’un point de vue psychologique, la tawba est un véritable moteur de guérison. Elle brise le cercle vicieux de la honte, même si, soyons honnêtes, certains actes restent profondément honteux. Je ne juge pas, mais c’est ma pensée : il y a des actes qui, à mes yeux, mériteraient presque la torture à vie… et encore, en leur souhaitant une longue vie pour bien ressentir chaque instant. Parce que oui, parfois, je pense que certains actes sont irréparables. Mais malgré tout, la tawba nous enseigne une chose : tu n’es pas ton erreur (Bon, sauf si on parle d’actes de violence comme un meurtre, ou un viol, ou encore tabasser sa famille, ou encore mieux trafic d’organes… Là, c’est autre chose. Voler, par contre, perso je m’en fiche, ce n’est que du matériel). Oui, tu as fauté, tu as manqué, tu as dit ou fait quelque chose que tu regrettes. Mais tu as aussi la capacité de réparer, de te relever et de devenir meilleur.

Elle invite à reconnaître ses erreurs sans s’y noyer, à se relever sans arrogance ni déni, à changer de direction en assumant son humanité imparfaite. Parce qu’au fond, la tawba est l’opposée de la stagnation. C’est un mouvement, un élan de vie, un pas décidé vers la lumière.

Et si l’on regarde bien, dans nos chemins de résilience, la tawba nous apprend que rien ne nous définit pour toujours. Ce n’est pas parce que tu es tombé une fois, ou dix, que tu es condamné à rester à terre. Comme le dit ce proverbe japonais : « Tombé sept fois, relevé huit. » Elle t’enseigne que tes échecs peuvent devenir des marches vers un toi plus sage et plus fort.

Se repentir, c’est donc accepter que l’on peut tomber, mais surtout que l’on peut se relever, différent, grandi et transformé. Et c’est ce retour, cette prise de conscience, ce choix actif de se rapprocher de son essence et de la lumière divine, qui forge la véritable force intérieure. Celle qui ne dépend pas du regard des autres ni de l’absence d’erreurs, mais de ta capacité à dire :

« Oui, j’ai chuté. Mais je me relève, j’apprends et je reviens. »

Une citation pour réfléchir

 

«L’erreur n’annule pas la valeur de l’homme ; c’est le refus de se relever qui la lui fait perdre. »

Ali ibn Abi Talib

 

12/07/2025

Des Mots et des Réflexions

Nous avons besoin de votre consentement pour charger les traductions

Nous utilisons un service tiers pour traduire le contenu du site web qui peut collecter des données sur votre activité. Veuillez consulter les détails dans la politique de confidentialité et accepter le service pour voir les traductions.