Comment dire à la mer que nous nous noyons sur la terre ferme ?

Parfois, on vit des choses qu’on ne sait même pas comment expliquer. Tu ressens un poids, une pression, un essoufflement au fond de toi… mais de l’extérieur, tout semble normal. Tu souris, tu travailles, tu fais ce qu’il faut. Tu avances, de façon automatique, mais tu avances. Et pourtant, tu sens bien que quelque chose ne va pas. Mais quoi ? Et comment le dire sans avoir l’impression d’exagérer, de déranger ou de ne pas être crédible ? Tu n’as pas de bleu, pas de blessure visible, juste une fatigue qui te ronge, une boule dans la gorge, des nuits sans sommeil, et cette impression de fonctionner en mode survie. Et ce qui est le plus dur, c’est peut-être de voir que personne ne s’en rend compte. Tu peux littéralement être en train de sombrer en silence, et tout le monde continue à te demander si tu peux les dépanner, venir à l’anniversaire, boucler un dossier ou garder le sourire parce que “tu gères”, “tu es fort(e)”.
Il y a des jours où tu sens que tu tiens grâce à un fil invisible, aussi fin qu’un fil de toile d’araignée. Cette toile, c’est celle que le monde extérieur a tissée autour de toi, et dont tu te sens prisonnier(e). Et tu sais que si quelqu’un tirait un peu trop dessus, tout s’écroulerait. Tu te surprends à pleurer dans ta voiture, à retenir tes larmes dans une salle d’attente, à fixer le plafond à trois heures du matin sans savoir comment tu vas tenir demain. Tu fais tout pour que ça ne se voie pas. Tu caches, tu ajustes, tu compenses avec de la caféine ou des boissons énergisantes qui tentent de remplir un vide que rien ne comble vraiment parce que tu ne veux pas qu’on te prenne en pitié. Tu ne veux pas qu’on te dise encore “ça va passer” ou “tu devrais être reconnaissant(e) de tout ce que tu as”. Et pourtant… tu aurais juste besoin d’un espace pour dire : “je ne vais pas bien”. Juste ça. Sans devoir te justifier.
On vit dans un monde où il faut aller bien, tout le temps. Être productif, efficace, inspirant même dans les coups durs. Mais la vérité, c’est qu’on ne peut pas toujours être au top. Et tu sais quoi ? C’est ok. Vraiment, c’est humain. Dire que ça ne va pas, c’est déjà une forme de clarté, c’est un acte d’alignement. C’est se rappeler qu’on n’est pas une machine, qu’on n’a pas été programmé pour performer sans pause, sans faille, sans fatigue. Il y a des jours bas avec des creux, et les nommer, c’est déjà commencer à les traverser.
Tu n’as pas besoin de t’écrouler pour mériter qu’on te tende la main. Tu n’as pas besoin d’être au bord pour demander un temps mort. Tu n’as pas besoin d’avoir atteint le fond pour être légitime dans ton mal-être. Ce que tu ressens est valable, même si personne ne le comprend. Même si tu ne sais pas mettre de mots précis dessus.
Et tu sais quoi ? Tu as le droit de chercher de l’aide. Même si tu n’es pas sûr(e) de ce dont tu as besoin. Même si tu as l’impression que d’autres vivent pire. Même si tu as toujours tout porté seul(e). Prendre un rendez-vous, écrire un message, en parler à une personne de confiance… ce n’est pas une faiblesse, c’est une force, une manière de dire : “je choisis de respirer”. Et si tu n’as personne à qui parler pour le moment, commence par toi. Écris. Prie. Respire. Marche. Trouve cette toute petite chose qui te fait du bien. Tu n’as pas besoin de tout régler dans l’instant même, tu as juste besoin de tenir aujourd’hui. Un souffle à la fois.
Et puis, si tu croises quelqu’un qui te semble un peu ailleurs, un peu plus fatigué(e) que d’habitude, reste, même si tu n’as pas de solution. Juste une présence. Parfois, c’est tout ce qu’il faut pour empêcher un effondrement, parce que derrière un “ça va” bien rôdé, il y a parfois une vie qui lutte en silence.
Une citation pour réfléchir
"Demander de l’aide, c’est déjà commencer à se soigner."
Boris Cyrulnik
Parce qu’il n’y a pas de honte à avoir besoin d’aide. Il n’y a pas de mal à ne pas aller bien. Ce qui compte, c’est de ne pas rester seul(e) dans ce que l’on traverse.
30/05/2025
Des Mots et des Réflexions