Si l’apparence est plus importante que l’âme, alors pourquoi l’âme s’élève-t-elle vers le ciel après la mort, tandis que nous enterrons le corps dans la terre ?

L’illusion du visible : quand le paraître fait la loi

On vit une époque où l’image a pris le pouvoir. Ce n’est plus seulement « je pense donc je suis », c’est devenu « je montre donc j’existe ». On ne vit plus une expérience, on la met en story. On ne vieillit plus, on filtre. Le corps devient un produit à soigner, à exhiber, à optimiser, il n’est plus fonctionnel, il est artificiel. Une vitrine mouvante à valider, liker, commenter. Poli à l’image des attentes, mais souvent vidé de sa présence.

Mais cette obsession du visible a un prix : elle finit par éclipser ce qui fait la richesse profonde d’un être : son âme, sa voix intérieure, son histoire, son silence.

L’âme, cette grande oubliée

Pourtant, c’est l’âme qui ressent, qui s’effondre et qui se relève. C’est elle qui aime sans condition, qui espère même dans l’obscurité, qui pardonne alors que tout en elle pourrait hurler vengeance. C’est elle qui porte les cicatrices invisibles, celles que personne ne voit mais qui influencent chaque mot, chaque geste, chaque décision.

L’âme ne cherche pas à être mise en lumière, elle cherche plutôt la paix. Elle ne se met pas en vitrine tel un mannequin que l'on exhibe, mais elle se construit dans le plus grand des secrets. Elle ne s’achète pas, ne se lifte pas, ni même ne se montre, mais elle a besoin d’attention. Elle a besoin d’être nourrie. Non pas avec des apparences ou des réussites sociales, mais avec des rencontres saines, des lectures qui font grandir, des échanges vrais, de l’apprentissage, de la spiritualité, de la foi, de la beauté intérieure (bref, de tout ce qui élève). Car une âme négligée se flétrit, même dans un corps sublime ; une âme nourrie rayonne, même dans les jours gris.

Elle est là, toujours présente, pourtant souvent ignorée. Au cœur de nos choix, de nos douleurs et de nos renaissances.

Et que se passe-t-il à la mort ?

Le corps (cet objet qu’on a tant tenté de perfectionner, d’amincir, de muscler et d’embellir) retourne à la terre, il devient poussière parmi les poussières (bouffé par les vers aussi). Mais l’âme, selon la plupart des traditions religieuses et spirituelles, s’élève, poursuit sa route, entame un nouveau chapitre. Ironique, non ? Celle qu’on a tant négligée devient la seule à continuer l’aventure (et l’autre devient un peu le “maillon faible”).

La résilience : une affaire d’âme, pas d’image

Tu peux avoir le plus beau sourire du monde, un visage parfaitement maquillé, un corps sculpté par des heures d’effort… si ton âme est fracturée, jamais écoutée, constamment étouffée, tu t’effondreras au moindre choc (ou à un certain moment de ta vie, crois-moi, ça m’est arrivé plus d’une fois). Parce que la résilience, la vraie (parce qu’il y en a une fausse, oui tu sais, celle que tu montres à tout le monde où tu prétends être une personne que tu n’es pas, alors qu’en vrai …), ne se trouve pas dans l’apparence d’un visage serein, mais dans l’intimité d’un cœur qui a connu la tempête.

Elle est cette force douce et féroce à la fois qui naît dans l’âme. Elle ne surgit pas d’un coup. Elle pousse lentement, patiemment, et prend racine au plus profond de toi dans les épreuves, les nuits blanches, les pertes, les silences trop lourds, et les pardons que l’on s’offre à soi-même tel un majestueux baobab qu’aucune tempête ne peut déraciner. Elle se nourrit de courage, de lucidité, de moments où l’on se relève sans applaudissements, sans témoin.

Elle ne brille pas en public, ne se déclame pas sur les réseaux, elle se forge en coulisses, là où personne ne regarde. Dans ce regard intérieur que l’on ose enfin porter sur soi. Dans la décision de continuer, même un genou à terre. Dans le choix de croire encore et d’aimer encore, malgré tout.

Si tu préfères, c'est une lumière que l’âme fabrique quand le monde devient trop sombre.

Un dernier souffle, une dernière vérité

Dans l’Islam, on distingue deux notions pour parler de l’âme : ar-rūḥ et an-nafs. Le rūḥ, c’est le souffle divin, pur et immaculé, insufflé par Dieu à l’être humain à un moment précis de sa gestation. Il est lumière, lien direct avec le divin, une essence venue d’ailleurs. Il n’appartient pas à la matière. Il est intangible, imperceptible, mais c’est lui qui nous anime, qui nous relie, qui nous élève. Il dépasse les limites du corps, traverse les âges, et reste intact, même lorsque tout le reste s’effondre.

La nafs, elle, c’est l’âme incarnée. Celle qui vit les tiraillements du quotidien, qui habite nos désirs, nos émotions, nos contradictions. Elle vacille, elle trébuche, elle doute, elle apprend. C’est elle qui avance, qui lutte, qui évolue. Et pour retrouver sa clarté originelle, elle doit passer par une purification intérieure, un combat contre soi-même que le Coran appelle le djihad majeur.

Ce n’est pas une idée abstraite ou un joli concept spirituel. C’est une réalité. Une expérience intime vécue par celles et ceux qui méditent, qui prient, qui cherchent un sens profond derrière les apparences. Car l’âme, qu’elle soit nafs ou rūḥ, est cette part de nous qui pressent l’invisible, qui reconnaît l’éternel dans un verset, dans un regard vrai, dans une larme de gratitude.

Dans beaucoup d’autres traditions, on retrouve cette idée d’une séparation sacrée entre le corps périssable et l’âme immortelle. Dans le judaïsme, le souffle de vie vient aussi de Dieu. Dans le christianisme, l’âme est appelée à rejoindre le divin. Dans l’hindouisme, elle transmigre et cherche à se libérer du cycle des renaissances. Toutes ces sagesses disent une seule chose : ce qui nous définit profondément ne meurt pas avec le corps.

Alors pourquoi, vivants, investissons-nous si peu dans ce qui est éternel ? Pourquoi remettons-nous toujours à demain l’entretien de notre âme, alors qu’elle est le seul bagage que nous emporterons vraiment ?

On court après des reflets, et on oublie la source. On entretient la vitrine, et on laisse l’intérieur se délabrer. Et pourtant… ce que tu es vraiment ne se voit pas dans un miroir. Ce qui te relève après l’échec, ce qui t’aide à aimer encore après la trahison, ce qui te murmure « tiens bon » dans la nuit : c’est ton âme.

Et si, au lieu de chercher à impressionner le monde, on cherchait à prendre soin de cette part de nous que seul le ciel reconnaît ? Et si, au lieu d’empiler les réussites visibles, on s’appliquait à cultiver une paix invisible ?

Une citation pour réfléchir

“Ce n’est pas parce que l’on ne voit quelque chose qu’elle n’existe pas”
Albert Einstein

12/06/2025

Des Mots et des Réflexions

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