Gaslighting :
le doute comme arme de contrôle

Il y a des formes de violence qui ne laissent ni bleus ni cris. Qui n’ont pas besoin de mots durs, ni de gestes. Juste une phrase, glissée doucement. Un ton condescendant. Un doute instillé. Et c’est là que le gaslighting commence.
Une lumière qui vacille dans l’esprit
Le mot vient d’une vieille pièce de théâtre britannique des années 30, Gas Light, dans laquelle un mari manipule sa femme en modifiant subtilement l’intensité de la lumière à gaz… tout en lui affirmant que rien n’a changé. Résultat : elle commence à douter de sa réalité, de sa mémoire, de sa santé mentale. Ce qui était fiction est devenu bien réel.
Et puis le doute s’installe
Le gaslighting, c’est insidieux. Il se faufile dans les phrases de tous les jours, presque banales :
— « Tu te fais des idées. »
— « Tu exagères toujours. »
— « Tu es trop sensible. »
Un jour, une amie me raconte : « Je savais qu’il avait supprimé le message. Je l’avais vu. Mais il m’a regardée droit dans les yeux et m’a dit que j’étais parano, que je mélangeais tout. Et je l’ai cru. »
C’est ça, le gaslighting. Ce moment où l’on finit par s’excuser d’avoir ressenti ce qu’on a ressenti. Où l’on doute de soi, même quand on est certain d’avoir raison.
Quand la relation t’efface
Ce type de manipulation, on le retrouve partout : dans les couples, les familles, les amitiés, au travail. Parfois, c’est intentionnel. Parfois, c’est inconscient. Mais l’effet est le même : on perd pied. On ne sait plus si on a mal compris, mal interprété, ou si l’on commence vraiment à devenir "trop" dans tout : trop émotionnel, trop compliqué, trop fatiguant.
Ghosting ou gaslighting : même flou, autre outil
On confond souvent gaslighting et ghosting, surtout dans notre monde ultra-connecté. Le ghosting, c’est quand quelqu’un disparaît du jour au lendemain, sans prévenir, sans un mot. Tu passes de "bonne nuit mon amour" à "vu" éternel. Et tu restes là, avec tes questions. Pourquoi ? Qu’est-ce que j’ai fait ?
Ce n’est pas du gaslighting… sauf si la personne revient ensuite, comme si de rien n’était. Et si tu oses exprimer ta douleur, elle te dit que tu t’en fais trop. Là, on y entre. Ce va-et-vient entre absence et présence, ce flou permanent, ce silence utilisé comme arme… c’est une autre forme d’effacement. On ne te frappe pas mais on t’efface, et finalement on t’explique ensuite que …… c’est toi le problème.
Ce moment où l’on commence à douter de soi
Ce qu’il y a de plus cruel avec le gaslighting, c’est que la victime n’est pas naïve. Elle est souvent très lucide. Du moins au début. Et puis vient ce glissement progressif, cette fatigue mentale, cette petite voix qui dit : « Et si c’était moi ? »
Comment reconnaître qu’on subit du gaslighting ?
– Tu remets en doute ta mémoire ou ton ressenti, même sur des choses simples.
– Tu as l’impression d’être toujours “à côté de la plaque”.
– Tu t’excuses souvent sans savoir pourquoi.
– Tu t’isoles peu à peu, convaincu que personne ne te croira.
Et si tu te reconnais, ne te juge pas. Ce n’est pas une faiblesse. C’est un mécanisme que beaucoup de personnes traversent, souvent en silence.
Ce que cache le manipulateur
Pourquoi certaines personnes manipulent-elles ainsi ?
Parfois, c’est un réflexe défensif : nier la réalité leur permet de se protéger d’eux-mêmes. Ils ne veulent pas affronter leurs contradictions, leurs failles. Alors ils les projettent.
Mais parfois aussi, c’est une stratégie claire : garder le contrôle. Éloigner l’autre de sa propre vérité. Installer un climat de doute pour mieux tenir les rênes.
Revenir à soi : reprendre sa propre voix
Et puis un jour, quelque chose change. Ce n’est pas une grande révolte. Plutôt un sursaut. Un réveil, une lassitude. Tu ne veux plus vivre dans le flou. Tu veux voir clair, même si c’est douloureux.
Revenir à soi, c’est ça. C’est prendre un carnet et noter ce que tu ressens, sans l’avis de personne. C’est parler à quelqu’un qui t’écoute sans te corriger. C’est oser croire à ta propre version. Pas parce qu’elle est parfaite. Mais parce qu’elle est à toi.
Retrouver sa boussole intérieure
Peut-être que tu doutes encore. Peut-être que tu as perdu ce fil entre ce que tu ressens et ce que tu t'autorises à ressentir. C’est ce que le gaslighting attaque en premier : ta propre boussole, ton droit de croire en tes propres émotions.
Mais non, tu n'es pas fou (folle). Et non, tu n'en fais pas trop. Être résilient ici, ce n'est pas « supporter plus » ou « devenir de l'acier », c'est choisir, petit à petit, de te remettre au centre de ta propre vie, de tes propres décisions. T'accorder le droit d'écouter ta voix, même si on a cherché à la faire taire.
Tu as le droit de noter, dans un carnet ou juste dans ta tête, ce que tu as vécu, ce que tu ressens. Tu as le droit de prendre de la distance, même si c'est juste répondre plus tard à un message, refuser un échange dont tu sais d'avance qu'il va te faire douter. Tu as le droit de poser tes limites, sans te justifier.
Entoure-toi de ceux qui te comprennent, même si pour l'instant tu n'en vois qu'un ou deux. Informe-toi, lis, découvre que ça porte un nom, ce que tu traverses. Et rappelle-toi : retrouver ta voix, ce n'est pas élever le ton pour convaincre l'autre. C'est juste réapprendre à t'écouter, et valider ce que tu ressens.
La vraie résilience, ce n'est pas de t'adapter à tout prix : c'est créer un espace pour que ton ressenti existe enfin. C'est laisser vivre ta vérité, celle que personne ne peut t'enlever. Si tu t'autorises à croire en toi (même un peu), même entre deux doutes, tu fais déjà un immense pas vers la fin de cette prise d’otage que sont tes propres ressentis.
Ce que tu ressens a de la valeur
Ce que tu ressens compte. Ce que tu vis est légitime. Et si tu n’es pas sûr, parle. À un proche, à un thérapeute, à quelqu’un qui t’écoute sans chercher à corriger ton ressenti. Tu n’as pas à tout traverser seul·e.
Et parfois, mettre des mots sur ce que tu vis, c’est le premier pas pour remettre la lumière là où elle avait été baissée.
Une citation pour réfléchir
“Il est plus difficile de désapprendre une illusion que d’apprendre une vérité.”
George Bernard Shaw
31/07/2025
Des Mots et des Réflexions